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Chronique d’une mort annoncée

 

Qui d’entre nous n’a pas traversé un village fantôme dans une de nos belles régions françaises, qui ne sont ni plein Sud ni à proximité de la géante parisienne. Bourgs, bourgades ayant perdu leur âme parce qu’ils n’avaient l’attrait ni du soleil ni de la fourmilière, se meurent en silence. Quelques vieillards rescapés de cette restructuration massive palabrent entre eux ; pas de cri d’enfant, l’école a fermé depuis longtemps, pas de jeunes non plus, il est loin le temps où la terre pouvait nourrir tout son monde ; pas de couples, ils sont partis s’installer près de leur lieu de travail.

 

L’histoire de ces villages mérite pourtant que l’on s’y arrête ; elle prend souvent un tournant symbolique au moment de la fermeture de l’école. Une classe puis deux ont fermé, jusqu’à ce l’unique  « instit » fasse classe à tous les enfants du village. Enfin, en haut lieu, une redistribution des ressources est décidée. Là, l’instituteur ou l’institutrice, figure emblématique de la république, cède sa place aux cars de transport scolaire. Les familles qui peut-être songeaient à s’installer ou qui demeuraient dans le village, vont chercher ailleurs pour assurer la scolarité de leurs enfants. Le village vieillit petit à petit, sans bruit. L’épicerie, s’il y en a une, ne fait pas assez recette car l’appétit a quitté le village, et l’épicier plie bagage. La boulangerie ferme, faute de goûters à vendre. Le bistrot s’il y en a un, survit doucement car les aînés sont fidèles à ce dernier coin de vie.

Pour les automobilistes de passage, seule l’image d’un vieux village silencieux est visible. La circulation y est fluide et pour cause… Les maisons sont jolies, les jardins fleuris, les visages ridés.

 

Saint Aubin Routot a la chance de se situer sur un axe stratégique, celui de la nationale reliant Le Havre à Lillebonne. Or la plupart des études prospectives prédisent un redéploiement de la population autour de ce type d’axe, permettant de vivre à la campagne tout en travaillant à la ville. Le village aurait un bel avenir, pourrait-on se dire, avec un accès à la fois aux infrastructures sportives et culturelles de Saint Romain de Colbosc et à l’agglomération havraise. Mais voilà que l’école est menacée de la fermeture d’une classe et patatras! Le spectre de la désertification réapparaît… Un jour, dans un village que vous avez forcément traversé, la fermeture de l’école a commencé comme cela, par une décision d’ « en haut », avec des chiffres très objectifs et une vision très globale sur le court terme. Le choix est entre nos mains : le village peut :

*  devenir un village-route, c’est-à-dire avoir pour seule caractéristique marquante d’être traversé par des milliers de voitures par jour (qui ne s’y arrêtent jamais),

*  ou développer sa vie propre, et en particulier préserver sa jeunesse. Cette dernière possibilité dépend de notre capacité à profiter de la réinstallation de la population hors des grandes villes.

 

Pour éviter cette mort annoncée, nous devons rendre notre village attractif aux familles qui cherchent à s’installer. Or, trois questions préoccupent la plupart des parents qui travaillent, avant leur installation dans un village :

*  Combien de temps pour aller au lieu de travail ?

*  Y a-t-il une école ?

*  Si oui, une cantine fonctionne-t-elle ?

 

 

Ces questions sont des préalables au choix du lieu de vie. Autrement dit, un village qui vit, n’est pas enclavé, est accessible par les moyens de transport habituels, et assure l’éducation des enfants dans de bonnes conditions. Parce qu’une commune est avant tout un formidable catalyseur d’échanges, et ce, entre tous les âges de la vie, préservons le cœur du Saint Aubin Routot de demain, l’école ! Il ne s’agit pas de faire venir des nouveaux habitants, à tout prix, mais bien de conserver les forces vives de demain.

 

Notre village est en dessous du seuil fatidique de fermeture de classes depuis quelques années. Nous ne pourrons pas échapper très longtemps au rouleau compresseur des statistiques, qui nous menace aujourd’hui, si ensemble nous ne réagissons pas. En premier lieu, l’heure est à la mobilisation collective pour qu’il n’y ait pas de fermeture de classe à Saint Aubin Routot. En parallèle, il est urgent de mettre en place les moyens d’une véritable ambition pour l’école, avec un projet pédagogique, une cantine dans le village et une garderie périscolaire. Seule une dynamique forte peut interrompre le processus enclenché.

 

A l’heure des réseaux de toutes sortes, un défi nous est lancé, celui de défendre et de recréer les liens de proximité, ceux-là mêmes qui nous ont permis, dans bien des cas, de nous construire en tant qu’adultes. Nous sommes tous acteurs de cet avenir qui se construit, et c’est ensemble, que nous devons le préparer.

 

Qui d’entre nous n’a pas traversé un village où un grand-père, fier et ravi, accompagnait son petit-fils ou sa petite-fille, sur le chemin de l’école, avec en tant qu’observateur, le sentiment d’un aboutissement…

 

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Page créée le 24/01/2002   -   -
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